🔴
@Valeurs | AFFAIRE CYBER-HARCÈLEMENT de Brigitte MACRON.
Dix personnes comparaissent devant la justice pour cyberharcèlement envers Brigitte Macron. Elles ont été identifiées comme étant les auteurs, ou les relais, de plusieurs tweets accusant la femme du président de la République d’être un transsexuel né homme, voire un pédophile.
À la barre, ce lundi après-midi, plusieurs d’entre eux ont défilé, en tenue sombre, plutôt classique. Ils ressemblent à Monsieur Tout-le-Monde, s’appellent Jean-Christophe ou encore Jérôme, et n’ont encore jamais été condamnés.
Tous semblent surpris de se retrouver là, devant un tribunal, et plus encore, d’avoir été réveillés un beau matin à six heures, perquisitionnés et placés en garde à vue pendant quarante-huit heures, pour quelques tweets, parfois peu relayés. Tous font valoir l’humour, la satire, « l’esprit Charlie », la curiosité et la quête de questionnements ou de réponses.
D’autant qu’ils ont souvent des comptes Twitter minimes, avec parfois une centaine d’abonnés et très peu de reprises. Des cyberharceleurs ? Mis à part le fameux « Zoé Sagan », qui doit comparaître demain, difficile de s’en convaincre individuellement. Mais c’est justement le but de ce procès : déterminer si, oui ou non, isolément mais in fine en meutes, ils n’ont pas, « par des propos ou comportements répétés », nui et dégradé les conditions de vie de la victime, en l’occurrence Brigitte Macron.
Entendue par les enquêteurs, celle-ci n’a pas réalisé de visite aux UMJ permettant de déterminer d’éventuels dommages physiques ou moraux sous forme d’ITT. Elle a néanmoins expliqué que ces rumeurs, propagées, répétées et amplifiées par les réseaux sociaux, l’affectaient indirectement via son entourage. Notamment parce que ses petits-enfants, par exemple, entendaient dire que leur grand-mère était un homme. Ces attaques seraient, selon elle, un moyen d’atteindre également son mari.
Elle a également indiqué que ses déplacements à l’étranger étaient « tous plus ou moins altérés » par ces rumeurs. Le préjudice semble donc assez évident. La question est de savoir si les interpellations effectuées de façon aléatoire sur des internautes ayant relayé quelques messages, manifestement mensongers ou orduriers sur Brigitte Macron, suffisent à les condamner pour cyberharcèlement.
Voici la retranscription de la première comparution. Dans la salle de retransmission ouverte pour l’occasion, de nombreuses personnes sont venues assister à l’audience, manifestement acquises aux théories farfelues des prévenus. Dès que les mots « bite » et « Brigitte » résonnent dans la même phrase, elles explosent de rire, comme dans une cour de récré. Ce qui donne à cette audience, où l’on parle de théories lunaires sur l’appareil génital et la sexualité de la Première dame, un caractère absurde.
Le premier prévenu à s’avancer à la barre s’appelle Jérôme, 49 ans, père célibataire sans enfant à charge. Il travaille dans l’informatique en Suisse, où il gagne plus de 7 000 €. Il porte un manteau noir, un pantalon sombre, et ressemble à Monsieur Tout-le-Monde. Sans doute veut-il montrer au tribunal, comme les autres, qu’il est un citoyen ordinaire, et non un affreux conspirationniste révolutionnaire.
Il a par exemple relayé un tweet du compte Verity France indiquant que « si vraiment Brigitte était une femme, Emmanuel Macron n’aurait jamais accepté qu’elle se fasse traîner dans la boue ainsi ». Il a aussi publié des messages comme celui-ci, en réaction à une intervention de Tiphaine Auzière sur TPMP : « Ça ne doit pas être facile tous les jours de savoir que son père est à l’Élysée et couche avec le président. » Ou encore en marge de la cérémonie des JO : « Qui doute de la bite de Brigitte ? », et, en référence à Madame Macron : « J’ai pécho un gamin, je lui ai pété la rondelle, avant de lui laisser me péter la mienne. »
En garde à vue, il explique qu’il n’est pas obsédé par le sujet de Brigitte Macron : « Je n’ai pas la réponse pour savoir si Brigitte et Jean-Michel sont la même personne, je m’interroge comme de nombreuses personnes dans le monde. » Il affirme n’être « qu’un simple internaute qui s’interroge », ajoutant : « Il faut se questionner sur toutes sortes de sujets. » Il dit être « dans un esprit Charlie » et ne pas avoir conscience des répercussions de ses publications : « Tout ça n’est pas du harcèlement, elle n’a aucune légitimité pour solliciter le parquet. »
Face au tribunal, ce lundi après-midi, Jérôme tient la même ligne de défense. Il rappelle qu’il a rédigé ou republié plus de 36 000 tweets depuis la création de son compte en 2022, soit une moyenne de trente par jour :
— Le président : « Ce que vous voulez dire, c’est que cela ne résume pas votre activité sur Twitter ? »
— Jérôme : « C’est ça. À l’époque, j’avais un compte avec 400 followers. Je faisais au mieux dix likes ou dix vues. Je dois avoir plus de vues par les enquêteurs que par les internautes. »
[Rires dans la salle de retransmission.]
— Le président : « Donc vous contestez ces faits de harcèlement ? »
— Jérôme : « Oui. »
— Le président : « Comment vous qualifiez ces messages visés dans la prévention ? »
— Lui : « On voit qu’il y a des retweets où je ne parle même pas de Madame Macron. Moi, ce que j’ai dit : “Attention, les médias disent qu’ils sont condamnés pour avoir dit que Madame Macron est un trans.” Je dis : “Les médias ont menti.” Pareil pour le deuxième tweet : je commente une émission de télé. Je ne fais que relever qu’il y a des gens qui ont enquêté sur ça. Chaque tweet est très différent. »
Concernant Brigitte Macron :
« C’est un sujet énormément partagé sur les réseaux sociaux. C’est quand même la première da… enfin, la femme du président ! »
[Éclats de rire dans la salle.]
« Pourquoi il ne tue pas la rumeur dans l’œuf ? Je me suis dit : c’est logique ce qu’ils disent, je vais retweeter ça. Il n’y a pas de volonté de renverser le monde, encore une fois j’ai un tout petit compte. »
Sur la cérémonie d’ouverture des JO :
« Il y avait plein de choses curieuses, qui ont choqué y compris dans le monde. Le costumier de la cérémonie avec une grosse moustache… j’ai fait le parallèle avec les Village People, puis j’ai rajouté un commentaire sur Brigitte. »
— Le président : « Pourquoi avoir écrit : “Qui doute de la bite de Brigitte ?” »
[Rires dans la salle.]
— Jérôme : « Je ne sais pas, je n’ai pas réfléchi dix minutes… Parce que les Macron ont beaucoup participé à la préparation de la cérémonie… »
— Le président : « Ce message peut-il être offensant, selon vous ? »
— Jérôme : « J’ai un tout petit compte, je sais très bien que Madame Macron ne va pas lire mon tweet… »
— Le président : « Êtes-vous conscient qu’il y a d’autres messages du même type qui gravitent sur Twitter au moment où vous écrivez cela ? »
— Jérôme : « Oui… Selon Grok, il y a six millions de tweets à ce sujet sur Twitter. Il y en a des plus graveleux, il y a de tout… »
— Le président : « Et la somme de ces messages, à votre avis, n’est-elle pas offensante ? »
— Jérôme : « Tous les puissants, tous les gens connus, très médiatisés, sur tous les réseaux sociaux subissent des centaines de messages, de toutes sortes. Il y a de tout sur les réseaux sociaux… »
— Le président : « Et sur la fille de Brigitte Macron ? »
— Jérôme : « C’étaient des blagues. Je me voulais sarcastique, rien de plus. »
— Le président : « À plusieurs reprises, vous dites que c’est de l’humour, rien de plus, sur “péter la rondelle”, etc. »
— Jérôme : « Je reprends la phrase d’un journaliste et la transforme à ma sauce, de façon plus trash. »
[Rires dans la salle à chaque phrase prononcée.]
— Le président : « C’est quoi, l’esprit Charlie ? »
— Jérôme : « Pouvoir faire de l’humour sur des personnalités. Charlie fait des caricatures très, très trash. »
— Le président : « Quand on vous demande si ça peut atteindre Brigitte Macron, pourquoi ne répondez-vous pas ? »
— Jérôme : « On se dit qu’elle ne regarde pas les messages. Je suis tellement petit sur Twitter. J’ai un nombre de vues ridicules. Toutes les personnes connues prennent des tombereaux d’insultes sur les réseaux sociaux. Je ne dis pas que c’est bien, mais c’est plus grave. »
— Le président : « C’est la liberté d’expression ? »
— Jérôme : « Oui, jusqu’à une certaine limite, comme appeler à la violence. Ils savent qu’il y a des millions de messages qui les visent tous les jours. Ils ne doivent pas être touchés par ça. »
— Le président : « Quel est votre état d’esprit aujourd’hui sur cette procédure ? »
— Jérôme : « Je me demande ce que je fais là, c’est même effrayant. On peut envoyer des gens en garde à vue, dans des cellules qui sentent la pisse, convoquer plusieurs jours à Paris, pour des tweets anodins… c’est effrayant. »
— Assesseur : « Comment pouvez-vous dire que vous êtes un petit compte et savoir que c’est un sujet énormément discuté sur les réseaux sociaux ? Vous ne faites pas de passerelle entre les deux ? Vous n’avez pas l’impression qu’avec votre petit compte, vous alimentez cette grosse vague ? »
[Chahut dans la salle.]
— Jérôme : « Non, je n’ai fait que neuf tweets. Si je n’avais pas tweeté, ça n’aurait rien changé. »
[Murmures approbateurs.]
— Assesseur : « On peut dire n’importe quoi sur quelqu’un parce qu’il est célèbre ? »
— Jérôme : « Non, mais on doit accepter la critique. »
— Assesseur : « “La bite à Macron”, c’est une critique ? »
— Jérôme : « Non… c’est de l’humour, c’est sarcastique. »
— Assesseur : « Il faudrait qu’elle fasse quoi, Madame Macron, pour montrer que c’est une femme ? Qu’elle se mette nue et qu’elle montre qu’elle n’a pas de sexe ? »
— Jérôme : « Non, juste une photo d’elle enceinte, par exemple… »
— Assesseur : « Et ça, ce n’est pas une atteinte à la vie privée ? Il faudrait prouver que votre rumeur ne soit pas vraie ? »
— Jérôme : « Non, mais si vous voulez que la rumeur s’arrête, vous apportez une petite preuve et ça s’arrête. »
— Assesseur : « Mais pourquoi il faudrait le faire ? »
— Lui : « Parce qu’il y a eu des enquêtes… »
— Assesseur : « C’est quoi, comme enquêtes ? »
— Lui : « Ce sont des journalistes qui ont fait des enquêtes… »
— Assesseur : « Vous n’avez pas peur que ça se propage à vous ? »
— Jérôme : « Je ne suis pas une personnalité publique… »
— Assesseur : « Si elle était devant vous, en face, Madame Macron, vous lui auriez parlé de sa bite ? »
— Jérôme : « S’il avait fallu relire le tweet, je l’aurais fait, mais pas comme ça, pas devant elle, c’est grotesque… »
— Assesseur : « Ce que vous dites, c’est qu’en face, ça présenterait des difficultés ? »
— Avocat de la partie civile : « Que penseriez-vous si on vous accusait d’être pédophile sur les réseaux sociaux ? Comment réagiriez-vous ? »
— Jérôme : « J’ai juste repris un tweet sur les réseaux sociaux… »
— Avocat : « Non, c’est vous qui l’avez écrit. Et si ça vous arrivait ? »
— Jérôme : « Je laisserais passer. »
— Avocat : « Donc on peut dire ce qu’on veut, c’est open bar ? »
— Jérôme : « Si ça a pris cette dimension mondiale, c’est parce qu’il y a de la matière. C’est si simple d’arrêter cette rumeur, on est des millions à se demander pourquoi ne pas le faire ? »
— Avocat : « Un chauffeur routier qui prend la route tous les jours, qui conduit beaucoup : s’il commet neuf délits en trois mois, est-ce grave ? »
— Jérôme : « Je ne comprends pas la question. »
— Avocat : « Pensez-vous que le harcèlement soit quelque chose de grave ? »
— Jérôme : « Oui, le harcèlement à l’école, il y a des jeunes qui sont détruits, ils n’ont pas la résistance. C’est là où il faut protéger. Mais la femme la plus puissante de France, il n’y a pas de comparaison possible. »
— Avocat : « Pourquoi utilisez-vous un pseudo ? »
— Jérôme : « Comme 90 % des gens sur Twitter. Mais mon pseudo, c’est mon nom à l’envers, ce n’est pas très compliqué. »
— Procureur : « La victime indique que cela a des répercussions familiales, notamment sur ses petits-enfants. Vous comprenez ce que ça peut faire pour une femme, pour une famille ? »
— Jérôme : « Sincèrement, je n’y crois pas. Je ne crois pas que Madame Macron puisse être choquée de ça… »
— Procureur : « Et les petits-enfants ? »
— Jérôme : « Non… s’ils voient les commentaires sur Macron, ils doivent tomber par terre. »
— Procureur : « Le 9 octobre, TPMP fait une émission concernant l’excuse de minorité. “Ça ne doit pas être facile… son père couche avec le président à l’Élysée.” Ça n’a rien à voir… »
— Jérôme : « Je n’ai rien à dire, j’ai juste fait un commentaire. »
— Procureur : « Si, de nouveau, TPMP faisait un sujet là-dessus, vous referiez ce tweet ? »
— Jérôme : « Je ne sais pas… »
Reprise de l'audience demain.
Crédits photo: JEANNE ACCORSINI/SIPA