📚🇬🇧✡️“Lord Montagu, ministre juif britannique, s’oppose avec virulence à la Déclaration Balfour : “Si l’on affirme que la Palestine est la “patrie nationale des Juifs”, chaque pays voudra immédiatement se débarrasser de ses citoyens juifs”, clame-t-il”
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Recension par Sylvain Cypel du livre de Sonia Dayan-Herzbrun dans
@OrientXXI :
“Lorsque Lord Balfour, ministre britannique des affaires étrangères, promet en 1917 à l’Organisation sioniste, fondée vingt ans plus tôt, l’établissement d’un « foyer juif »en Palestine, ce n’est pas par philanthropie envers les populations juives.
En réalité, Balfour vomit ces « schnorrers », ces gueux qui fuient les pogromes en Europe de l’Est et affluent en Occident. C’est pourquoi il leur « offre d’aller défricher la Terre sainte.
Tout pour éviter de les accueillir en Grande-Bretagne ». Herzl, le fondateur du sionisme moderne, n’aurait rien trouvé à redire. N’avait-il pas imaginé, puisque les Ottomans, propriétaires de la Palestine à l’époque, s’opposaient à la venue des colons juifs, d’envoyer ces mêmes gueux en Ouganda ?
(…)
“Dayan-Herzbrun ne manque pas de rappeler combien, à ses débuts, le sionisme fit l’objet d’un rejet massif dans les communautés juives. Pas seulement chez les rabbins, dont l’immense majorité était radicalement hostile à toute vision messianique, mais aussi tant parmi les juifs progressistes que les grands bourgeois parvenus à « s’intégrer » en Europe occidentale. Ainsi Lord Edwin Samuel Montagu, troisième ministre juif britannique, s’oppose virulemment à la Déclaration Balfour : « Si l’on affirme que la Palestine est la “patrie nationale des Juifs”, chaque pays voudra immédiatement se débarrasser de ses citoyens juifs »,clame-t-il, craignant que le sionisme n’alimente l’antisémitisme et que la Palestine devienne « le ghetto du monde »
Plus largement, l’autrice offre un regard acéré sur les racines à la fois coloniales et socialistes auxquelles le sionisme s’est longtemps référé en majorité. Pour ce qui est du colonialisme, elle rappelle le célèbre slogan du sionisme : « Une terre sans peuple pour un peuple sans terre. »
Au fond, les habitants de la Palestine n’en sont pas les propriétaires. Pour les sionistes, leurs terres sont « soit inhabitées (…), soit occupées par des groupes qui ne sont pas des véritables peuples, mais des bandes, des tribus, des ethnies dans lesquels on ne voit pas des humains au sens plein du terme », écrit-elle.
Quant à l’autre versant du sionisme initialement dominant, le socialisme, elle rappelle dans un chapitre éclairant intitulé « La Bible comme arme et les armes comme Bible » que le chef historique du sionisme socialiste, David Ben Gourion, un homme totalement sans religion, déclarait cependant en 1937 : « La Bible est notre mandat. » Avec la Bible en viatique, les frontières d’« Eretz Israel », la terre d’Israël, deviennent poreuses et mouvantes, selon les circonstances et les conquêtes.
“Si Sonia Dayan-Herzbrun remonte à la genèse de l’idéologie sioniste, c’est pour mieux faire comprendre en quoi celle-ci a pesé sur ce qu’est devenu l’État d’Israël. Ce faisant, elle ouvre aussi un champ de réflexion sur une question simple : comment une idéologie coloniale fondée sur l’idée de l’émergence d’un « nouveau Juif », un juif fort et débarrassé des tares de l’« exil » — sa « faiblesse » congénitale face à l’antisémitisme —, comment donc cette idéologie qui ambitionnait de s’émanciper de l’enfermement dans le ghetto a-t-elle pu sombrer en un siècle dans une course au messianisme le plus obtus ?
Tant il est vrai qu’en Israël, aujourd’hui, les « nouveaux rabbins » ont triomphé dans la guerre culturelle qu’ils ont menée depuis des décennies pour faire concorder nationalisme et messianisme, faisant du sionisme initial une utopie en voie de disparition.”