L’EUROPE SANS CHRISTIANISME N’EST PLUS L’EUROPE
Contrairement aux critiques que j’ai pu lire ici et là dans le milieu catholique, j’ai trouvé passionnante la réflexion menée par Éric Zemmour dans La messe n’est pas dite. Le polémiste est beaucoup plus subtil et profond à l’écrit qu’il ne l’est à la télévision et que la caricature dont il fait l’objet dans le débat public.
Son propos n’est pas maurassien ni même nietzschéen comme on pouvait le craindre. Il ne voit pas dans le christianisme la religion des faibles ou comme un simple instrument de contrôle social. Il salue le christianisme comme processus de civilisation extraordinaire, ayant forgé l’Europe par la naissance de l’individu, la promotion de la raison et de la vie intérieure et in fine la possibilité de l’état nation.
Les quelque mitres molles qui s’indignent d’un propos qui serait purement identitaire et déracinerait le christianisme de la foi n’ont rien compris. Elles feraient mieux d’être humblement touchées qu’un français juif ait poussé l’assimilation à une telle incandescence qu’il brûle d’admiration pour les splendeurs du christianisme. Il n’a pas la foi? Mais qui sont ils pour rejeter avec un tel dédain celui qui rend grâce à l’Eglise d’exister dans un monde qui la méprise ? Mauriac que cite un certain évêque n’a t’il pas voué une admiration sans bornes à Barrès, le romantique individualiste rallié à l’Eglise par amour de la France ?
Certes, on peut reprocher à Zemmour de vouloir sauver uniquement les formes du christianisme, formes qui ne vivent que par la foi de ceux qui les bâtissent.
L’évangile sans l’Eglise est un poison, disait de Maistre, mais l’Eglise sans l’évangile est un musée.
Reste que l’on constate que c’est là où les formes sont les plus préservées, dans l’Eglise traditionaliste (liturgie, hiérarchie, rites), que la foi est la plus vive et fait surgir le plus de vocations. Et il est certain que l’islamisation de l’Europe est un aiguillon qui joue certainement dans le frémissement religieux que nous voyons à l’œuvre aujourd’hui, sursaut que l’auteur souligne et appelle de ses vœux.
On pourra bien sûr trouver trop radicales les solutions que propose Zemmour, et s’attrister qu’une réflexion métaphysique aussi profonde se conclue trop hâtivement par des calculs politiques. Mais il ouvre une conversation passionnante qui mérite d’être poursuivie.